Gérard Luçon

Ex Directeur Ministère de la Justice France, acteulement en retraite

Pays d’origine: France

Vit en: Roumanie via Chine et Sénégal

Je suis né en France, à Orléans, en 1951, issu d’une très vieille famille orléanaise de vignerons, bateliers, tonneliers et propriétaires terriens.

Il y a deux étapes majeures par rapport à ma décision d’émigrer: celle qui est la date de ma décision, fin 1996 et mon départ du ministère de la justice et celle qui survient ensuite, quand on comprend la “pathologie” familiale et qu’on peut expliquer pourquoi on est parti.

La pathologie c’est mon grand-père Jacques Luçon, engagé volontaire dans la marine de guerre en 1913, à l’âge de 16 ans et quittant Orléans et sa famille; c’est mon père également engagé dans la marine de guerre en 1936 à l’âge de 15 ans et faisant le tour du monde en bateau … un problème génétique ???

C’est aussi mon enfance, mon père après la guerre travaillait sur les “grands chantiers” donc je changeais d’école tous les ans où presque, alors j’ai appris à m’adapter, à voyager “avec mes racines”, parce que le secret est dans ce “concept”, si tu pars, emmènes tes racines avec toi !!! (grande et grosse question qui pourrait expliquer la différence entre expatrié et immigré …., entre intégration et assimilation). De fait et usuellement on parle de migration pour les grands nombres et d’expatriation pour les petits nombres, et dans cette catégorie entrent les exilés.  

Quand bien même je serais devenu un personnage dans ce nouveau pays, la Roumanie, ou cet autre, la Chine, ou ce troisième, le Sénégal, cela ne change rien, je ne suis pas parti pour devenir quelqu’un, je suis parti car je ne supportais plus ma hiérarchie ringarde, décadente et vendue aux politiques !

Cette phrase nécessite une explication: suite à l’arrivée de Eltsine au pouvoir en Russie et à mes contacts avec ce pays le gouvernement russe a demandé que je sois mis à sa disposition pour créer en Russie une politique d’intégration des délinquants similaire à ce que je faisais déjà en France et au Sénégal. J’ai été convoqué au ministère à Paris et le misérable directeur de la Protection judiciaire de la Jeunesse de l’époque (PJJ), ”monsieur charvet” m’a expliqué que j’étais un “petit, un obscur, un sans grade” et donc que je ne pouvais pas négocier avec les grands de ce monde, il fallait donc que je refuse cette affectation à Moscou et en échange je serai nommé Directeur de la PJJ à Marseille, en mission spéciale. Par contre si je prenais ce poste à Marseille, deux magistrates (du PS) seraient nommés à Moscou pour faire “mon travail”. J’ai appelé mon interlocuteur russe (Serguei Jirnov) et nous avons convenu que je devais prendre ce poste de directeur, la Russie en échange a annulé sa demande de mise à disposition! Cela n’a évidemment pas faut plaisir en haut lieu !!!

Puis fin 1995 une nouvelle demande est arrivée chez mes chefs, c’était le Ministre de la Justice du Sénégal qui demandait ma mise à disposition à Dakar pour y continuer le travail commencé en partenariat avec ce pays depuis 1986. Nouvelle convocation par la hiérarchie, nouvelles remontrances sur ma place et les grands de ce monde, et nouveau refus avec obligation de rester dans ma ligne hiérarchique: j’étais directeur PJJ, je devais devenir directeur départemental, puis régional, puis mourir content …. Assis à mon beau bureau …

Je les ai donc envoyés promener avec fracas, abandon de poste et embauche chez Handicap International qui avait besoin de mon profil pour la Roumanie.

Je suis arrivé en Roumanie en 1997 et j’y suis resté depuis. Par contre je retourne régulièrement en France, j’y paye mes impôts en “bon français”, j’y ai ma maison, mon domicile, mais après 19 ans d’expatriation je ne me sens plus chez moi en France … et pour plein de raisons très différentes les unes des autres:

-mon épouse, roumaine, le dit assez bien: “en France on n’a pas de liberté d’expression, on doit toujours faire attention à ses paroles, ses phrases, …”

-moi je le vis autrement: dans mes 3 pays d’expatriation, le Sénégal, la Chine et la Roumanie, je me suis senti plus libre qu’en France !!! Mon pays est devenu un pays totalitaire, la démocratie est un attrape couillon et notre parole y est contrôlée, mesurée, censurée dans les réseaux sociaux, tout dérapage “anti-machin” est passible des foudres de la justice, je ne sens plus une nation française, une identité française, seulement des gens aigris, culpabilisés, subissant un système. Bref, je ne me sens plus vraiment chez moi quand je suis en France …. Comme si en 20 ans c’est mon pays qui avait changé et perdu ses valeurs, et comme si je les avais gardées en partant avec mes racines...

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Depuis 1999, Gérard est officier de l’ordre national Etoile de Roumanie, qui est la plus  haute décoration roumaine.

Il est fondateur des raids de solidarité Bucarest – Dakar “Cu papucii prin desert” (Academia Catavencu), qu’il raconte avec humour, franchise et parfois quelques malice dans son bouquin “Aventures, contes et histoires africaines.”